Un jour, qui se situerait idéalement en 1775 (on verra plus loin pourquoi), possiblement un mardi, Jeremy Bentham, philosophe de 37 ans tout imprégné de droit (et possiblement de ce qu’il avait bu la veille), se réveille à Londres avec la vision d’une architecture ronde qui allait selon lui, enfin ! « assurer le plus grand bonheur possible au plus grand nombre. » Quand ce genre de vision étincelante arrive, en général, on se recouche et on attend que ça passe. Pas lui. Il a vu (j’ai bien dit vu) ; il a eu la révélation ; il sait. Il trouve un nom ma foi assez accrocheur à la chose : « Panopticon », « Panoptique » en français (qu’il parle parfaitement) et n’aura de cesse que de convaincre le reste de monde des bienfaits de son idée. Ça a foiré.
Ça a déjà foiré de son vivant, tant en Angleterre qu’en France. Ça a foiré dans les établissement construits selon ce que leurs concepteurs avaient bien voulu retenir de ses idées. Ça a définitivement foiré quand pile deux cent ans plus tard, Michel Foucault, également philosophe, à dézingué cette idée de « panoptique » dans « Surveiller et punir » comme métaphore d’un modèle social genre « Big brother is watching you » (Georges Orwell – « 1984 » – paru en 1949. Le nazisme était passé par là.)
Oui mais qu’avait-il vu, ce bon Jeremy Bentham ? Selon Foucault (mais n’importe quelle photo en donne une bonne idée) :
À la périphérie, un bâtiment en anneau ; au centre, une tour ; celle-ci est percée de larges fenêtres qui ouvrent sur la face intérieure de l’anneau. Le bâtiment périphérique est divisé en cellules, dont chacune traverse toute l’épaisseur du bâtiment. Ces cellules ont deux fenêtres : l’une, ouverte vers l’intérieur, correspondant aux fenêtres de la tour ; l’autre, donnant sur l’extérieur, permet à la lumière de traverser la cellule de part en part. Il suffit alors de placer un surveillant dans la tour centrale, et dans chaque cellule d’enfermer un fou, un malade, un condamné, un ouvrier ou un écolier. Par l’effet du contre-jour, on peut saisir de la tour, se découpant dans la lumière, les petites silhouettes captives dans les cellules de la périphérie. (In « L’œil du pouvoir »)
Oui, parce que le modèle panoptique, en plus des prisons, devait pouvoir se décliner en hôpitaux, écoles, usines, asiles… pour le plus grand nombre. Perso, j’aime à penser que dans les raison qui ont fait foirer les prisons panoptiques, il y a l’insupportable sensation des gardiens placés au centre de se sentir en permanence observés par des milliers de paires d’yeux.
Sources :
La très vieille prison circulaire d’Autun ↑ – France – construite en 1852, ne reprend du panoptique que la disposition circulaire des cellules. Les portes étant opaques, la surveillance ne s’exerce pas du centre.
Construits en 1919 pour l’un et 1927 pour l’autre, ces deux bâtiments circulaires font partie du « Stateville Correctional Center » en Illinois – USA et tout ça fonctionnait encore bien en 2002, date des photos les plus récentes. En revanche, la prison cubaine « Presido Modelo », installée sur la Isla de la Juventus, est maintenant désaffectée (Ci-dessous et en en-tête de l’article)
évidemment, il est plus difficile de se cacher en sortant d’un de ces bâtiments ronds. D’où l’avantage pour une architecture pénitentiaire. Au Stateville Correctionnel Center (Illinois) j’imagine un peu ce que cela doit donner ( ou ce que cela donnerait ) si et quand les prisonniers se mutinant, ils se mettaient tous a hurler devant leur porte : la résonnance serait impossible à endurer. Justement, cette question d’acoustique en milieu rond et formes architecturales sans angles, c’est ce qui a primé dans l’édification des cathédrales dont les chœurs, tous, sont de forme semi-circulaire.
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Tiens? Oui. Ça ferait peut-être d’excellentes salles de concert, quelle bonne idée! Je vois bien les musiciens au milieu et le public dans les cellules autour, comme à la Halle aux Grains à Toulouse. Ou alors les musiciens dispatchés dans les cellules et le public en bas au milieu? Mmh…
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Oui, voilà : jouons de la musique partout !
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